mardi, novembre 25, 2008

Herbier... encore

Si le grain ne meurt





"À l’instar d’Anna et avec son aide, je faisais un herbier ; mais surtout l’aidais à compléter le sien qui était considérable et remarquablement bien arrangé. Non seulement elle avait fini par se procurer, patiemment, pour chaque variété les plus beaux exemplaires, mais la présentation de chacun de ceux-ci était merveilleuse : de minces bandelettes gommées fixaient les plus délicates tigelles ; le port de la plante était soigneusement respecté ; on admirait, auprès du bouton, la fleur épanouie, puis la graine. L’étiquette était calligraphiée. Parfois la désignation d’une variété douteuse nécessitait des recherches, un examen minutieux ; Anna se penchait sur sa « loupe montée », s’armait de pinces, de minuscules scalpels, ouvrait délicatement la fleur, en étalait sous l’objectif tous les organes et m’appelait pour me faire remarquer telle particularité des étamines ou je ne sais quoi dont ne parlait pas sa « flore » et qu’avait signalé M. Bureau.

C’est à La Roque surtout, où Anna nous accompagnait tous les étés, que se manifestait dans son plein son activité botanique et que s’alimentait l’herbier. Nous ne sortions jamais, elle ni moi, sans notre boîte verte (car moi aussi j’avais la mienne) et une sorte de truelle cintrée, un déplantoir, qui permettait de s’emparer de la plante avec sa racine. Parfois on en surveillait une de jour en jour ; on attendait sa floraison parfaite, et c’était un vrai désespoir quand, le dernier jour, parfois, on la trouvait à demi broutée par des chenilles, ou qu’un orage tout à coup nous retenait à la maison.


À La Roque l’herbier régnait en seigneur ; tout ce qui se rapportait à lui, on l’accomplissait avec zèle, avec gravité, comme un rite. Par les beaux jours, on étalait aux rebords des fenêtres, sur les tables et les planchers ensoleillés, les feuilles de papier gris entre lesquelles iraient sécher les plantes ; pour certaines, grêles ou fibreuses, quelques feuilles suffisaient ; mais il en était d’autres, charnues, gonflées de sève, qu’il fallait presser entre d’épais matelas de papier spongieux, bien secs et renouvelés chaque jour. Tout cela prenait un temps considérable, et nécessitait beaucoup plus de place qu’Anna n’en pouvait trouver à Paris."

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1 Comments:

Blogger Elisabeth.b said...

Merci pour ce texte. Il fait rêver.
Belle journée à vous.

dimanche, novembre 30, 2008 11:22:00 AM  

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